Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
MON ENCRIER

dans la conversation ? Ils sont peut-être un peu plus tenaces, mais le procédé pour les enlever est le même. Il ne s’agit que de connaître la bonne recette et de l’appliquer. Ainsi des autres imperfections du langage, et en particulier du solécisme : puisque de simples reprises, aux endroits endommagés, suffisent à restaurer nos chemises, pourquoi de simples Corrigeons-nous n’auraient-ils pas le même effet sur notre syntaxe ?

Le seul malheur, pour votre thèse, c’est que le langage, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, n’est pas du tout ce que vous imaginez. C’est qu’il n’est rien, au contraire et encore une fois, qui nous soit plus intime et, en quelque sorte, plus consubstantiel, rien qui tienne davantage à la nature particulière de notre être pensant, ni qui en dépende plus étroitement. C’est qu’enfin, tout de même et aussi nécessairement que tel fruit pousse sur tel arbre et non sur tel autre, le langage — le vôtre, le mien, celui du voisin — ne saurait, en dernière analyse et malgré qu’on en eût, que reproduire, jusque dans les plus infimes nuances, les qualités et défauts d’esprit de l’homme qui le parle. Vous voulez, mon cher Montigny, changer mon langage ? Commencez donc par me changer le cerveau !

Il n’y a pas en effet à sortir de là, et, de cerveaux paresseux, nonchalants, relâchés. — tels