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COMME PRÉFACE

Z, nous le voulons bien, est capable de nous donner quelque chose de tout-à-fait gentil. Oui, mais il peut aussi être commis dans une épicerie. Alors, qu’il soit commis dans une épicerie ; ça lui donnera de quoi manger. Quant à son ouvrage, quelqu’un l’écrira à sa place ou en fera un autre aussi bon. Si Z avait du génie, ce serait différent. Mais il n’a que du talent, et l’article n’est pas si rare et ne vaut pas tant que, pour donner la preuve qu’il le possède, un homme souffre de la faim. Mieux vaut mesurer de la mélasse pour vivre que de faire une œuvre quelconque et aller finir à l’hôpital.

⁂ Il nous paraît du reste évident que le fait d’écrire un livre sans littérature, pour le brave peuple qui ne cherche dans une œuvre imprimée qu’un moyen de se récréer quelques heures, ne constitue pas un acte avilissant ou blâmable à aucun titre. Ce que le peuple demande, ce dont il veut bien se contenter, c’est une histoire où il arrive une suite d’aventures plus ou moins effroyables aux héros du récit. Quant au style, c’est tout-à-fait secondaire pour lui. Alors, si on lui donne ce qu’il veut, qui pourra s’en plaindre ?

⁂ Nous n’ignorons pas encore que cette sorte de productions, pour être un genre passablement délaissé de nos jours par les écrivains de mérite, ne laisse pas, quelquefois, d’offrir de l’intérêt.