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Mais il n’est pas de tableaux sans ombre. S’il faut en croire M. Hector Bernier, il paraît qu’il existe à Québec, depuis des temps récents, un endroit où se déroulent chaque soir, en plein public, des scènes d’une révoltante impudicité. C’est la Terrasse. On avait cru à tort, jusqu’ici, que jeunes hommes et jeunes filles n’allaient là que pour se promener : or ils n’y vont en réalité que pour se faire « la chasse à l’amour », quand ce n’est pas, purement et simplement, pour s’y « accoupler ». L’auteur nous le dit d’ailleurs en toutes lettres :

Enfin délivrées du comptoir monotone ou de la fabrique malodorante, les ouvrières ont arboré leurs nippes fraîches : LEURS NARINES GONFLÉES ASPIRENT AVEC FRÉNÉSIE L’AIR DU SOIR, pendant que leurs pieds inlassables vont et viennent, QUE LEURS YEUX LUISENT COMME DES ESCARBOUCLES ET QUE LEURS LÈVRES ALLUMENT LES FUSÉES DE LEUR ESPRIT GOUAILLEUR. Souvent leur amoureux les ESCORTE (sic), et c’est alors LA GAMME INTIME DES MOTS SUAVES, DES ŒILLADES EN TAPINOIS, DES SILENCES BAVARDS, DES FRÔLEMENTS IMPERCEPTIBLES DONT TOUT L’ÊTRE A CONSCIENCE.

Et il ajoute immédiatement :

Quand ils ne sont pas ACCOUPLÉS (sic), jeunes garçons et jeunes filles, de noblesse bourgeoise ou populaire, se font la chasse à l’amour. (P. 126.)

Qui l’eût dit, tout de même, que les jeunes gens de Québec allaient chaque soir « s’accoupler » sur la Terrasse, à la lueur des lampes à arc ? — Non, mais que fait donc la police, en ce pays là ?…