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devant lui, il n’hésite pas entre son devoir et son bonheur : il se séparera, pour la vie, de la femme qu’il aime. Et jusque-là tout est très-bien. Seulement — et c’est ici que l’histoire devient véritablement fantastique — ce qui l’afflige le plus, dans son aventure, ce n’est pas de perdre Marguerite Delorme. Ce n’est pas de penser que cette femme, si admirable par ailleurs, va selon toute vraisemblance rester privée pour la vie des lumières de la foi. Non ! C’est, tout simplement, l’idée qu’il a pu, lui Jules Hébert, lui un Québecquois, S’ABAISSER AU POINT D’AIMER UNE INCROYANTE !

Mais voulez-vous entendre de sa bouche l’aveu de ses « remords » (le mot est de lui) ? Écoutez-le seulement raconter son histoire à l’abbé Lavoie, le vieil ami de la famille Hébert. Son entrée en matière seule ne prend pas moins, dans le roman, de six longues pages. À l’entendre, on dirait tout le temps qu’il va s’accuser de quelque faute énorme, de quelque crime horrible et contre nature :

Je ne sais comment vous le dire, mon père, la chose m’étrangle… Je veux éperdûment le crier à quelqu’un, mais j’ai comme un besoin de le garder au fond de moi-même, COMME UNE HONTE D’EN PARLER TOUT HAUT. (P. 163.)

S’agit-il d’un faux serment, d’un assassinat ou d’un viol, on ne saurait dire encore. Ce qui est certain, c’est que jamais criminel le plus avili, le plus dégradé, ne confessa son crime avec plus de tremblement et de confusion :