Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
COMME PRÉFACE

Nous avons écrit cette histoire comme nous aurions accompli toute autre besogne capable de produire quelques piastres.

Comme nous serons prêt à pelleter de la neige ou à faire du reportage à sensation quand nous ne verrons plus d’autre moyen de gagner notre vie.

⁂ Nous avons été longtemps reporter et probablement nous le serons encore. La quantité de notre prose qui a servi à alimenter divers de nos journaux canadiens ne tiendrait pas dans quinze tomes massifs. Nous n’avons jamais rien signé de tout ça. Et ce fut toujours notre grande consolation que, si nous écrivions de tristes choses, du moins nous n’y souscrivions jamais notre nom. Le voile de l’anonymat nous protégeait, et notre journal, ce grand coupable, prenait encore en son nom tous nos péchés. Quant à notre responsabilité, nous ne croyions pas en avoir plus que le typographe qui assemblait les caractères nécessaires à l’impression de nos articles : nous faisions un ouvrage impersonnel, que n’importe qui aurait pu faire comme nous.

Pour qu’une œuvre doive être marquée d’un nom, elle doit auparavant avoir été signée, quand c’est un tableau, de chaque coup de pinceau, lorsque c’est une statue, de chaque coup de ciseau. Si c’est un livre, chaque phrase, chaque ligne, doit révéler une personnalité, doit porter