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passé. Il l’aime surtout dans son passé. Voyez avec quelle émotion il évoque, au petit Trianon, les figures évanouies de la royauté à son déclin :

Mon cœur français et moi nous vîmes ce matin
Le paisible hameau parfumé de fougère
Où Marie-Antoinette en paniers de satin
-------Rêva d’être bergère ;

Et j’ai dit à mon cœur ; « Le matin est si beau,
Si clair, si bleu ! pourquoi faut-il que tu tressailles
Ainsi que tu le fais devant un cher tombeau,
-------En revoyant Versailles ? »

Mais j’ai bientôt compris en regardant le lac,
La barque et son anneau rongé de mousse brune
Qu’on détachait, lorsque la tendre Polignac
-------Ramait au clair de lune ;

Les pelouses, l’étang doré, les noirs taillis ;
Le parc mélancolique où, jouant à la balle,
Le dauphin poursuivait dans les sentiers fleuris
-------Madame de Lamballe ;

Les ronds-points de Le Nôtre et les ifs de Watteau
Où se perdait la reine, amusée et frivole,
Sans voir son front lauré par un mouvant flambeau
-------D’une rouge auréole…

Ô cruelle douceur du petit Trianon !
Royaume désolé, candide bergerie,
Avec quelle douceur redit-elle ton nom,
-------Blonde folle meurtrie,

Quand il fallut quitter pour la dernière fois
Tes chaumières de laque et tes marronniers roses,
Et le temple où l’Amour cachait dans son carquois
-------Des flèches sous des roses !

Et le temple où l’Amour (Pages 104 et 105.)

Nous ne voudrions pas exagérer, mais cette mélancolie devant les vieux souvenirs, ce sentiment du passé, à la fois si profond et si dé-