Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors, en attendant cette aube de justice que nous ne verrons peut-être jamais se lever, à quoi sert — puisqu’il est admis que l’on n’écrit pas seulement pour soi — à quoi sert de vouloir produire des œuvres de mérite ? Ce n’est pas seulement inutile, c’est impossible. La critique est pour le champ de la littérature ce que le soleil est pour la terre où poussent les blés : c’est la lumière qui féconde. — Nous autres, les Canadiens, nous sommes dans les ténèbres, et c’est pourquoi nos semences ne lèvent jamais et ne peuvent pas lever.


⁂ Nous qui écrivons ces lignes, nous avons conscience de pouvoir faire mieux — ou moins mal, si l’on veut, — que le chef-d’œuvre qu’on va lire ou qu’on ne lira pas.

On ne se douterait pas de cela à parcourir ces lignes ou l’ouvrage dont elles veulent être la justification. On ne s’en douterait pas, — on se douterait plutôt du contraire, — mais enfin c’est comme ça, croyons-nous, et c’est en tout cas ce que plusieurs de nos amis, d’ordinaire des gens de goût, nous ont assuré en voulant nous dissuader de publier ce roman populaire canadien.

Ces amis croyaient que nous pourrions, avec du temps et du travail, faire quelque chose de bien supérieur à ce volume.

Nous le pensons également.

Seulement, voici…