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MON ENCRIER

semblent tous comme des frères et leur histoire à tous est la même.

Il y avait longtemps, quand ils furent élus, que chacun d’entre eux préparait sa candidature, dans un petit coin de pays où la chute d’un glaçon devient un sujet de conversation palpitant, où le passage d’un commis-voyageur constitue un événement. Assis sur le comptoir, au bureau de poste ou au magasin général, dans la boutique de forge, chez le meunier, quelquefois à l’hôtel, entre deux verres de bière amère, l’aspirant-homme d’État causait politique, faisait et défaisait à son gré les ministères. Que de jours perdus de la sorte et, dans une année, que de semaines sacrifiées !

Viennent les élections : notre homme est élu. Il arrive à Ottawa ; malgré ses habitudes de paresse il voudrait travailler, faire quelque chose, essayer, au moins. Mais on le pousse à la tabagie, et c’est bientôt l’abrutissement définitif.

Là, on fume et on cause. De quoi cause-t-on ? Tiens, j’ai vu Lemieux, à malin. Ah !… et qu’est-ce qu’il dit ? — C’est son idée que le bill de la marine va encore nous retenir longtemps… Un autre : Une fois, je revenais du haut du comté ; c’était après les vêpres ; on venait d’avoir une assemblée à Saint-Apollinaire, à la porte de l’église… On entend : — Tiens, je suis à dame… Ou bien : — Passez-vous, monsieur Mayrand ?