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NOTRE DÉPUTATION

— Vous n’y êtes pas davantage… Un député de chez nous demanderait pour ses électeurs quelque chose aux chemins de fer ? Vous croyez cela ? Il voudrait les forcer, par exemple, à construire dans son comté les lignes pour lesquelles on leur votait des subventions il y a déjà dix et quinze ans ! Ah bien ! détrompez-vous : tout cela ne les empêche pas de dormir, nos députés.

Ils votent pour ces bills sans les connaître et, les trois quarts du temps, sans les avoir, jamais lus.

Voici, un beau matin, M.***, l’un des députés de la province de Québec, qui arrive au parlement.

Il va d’abord à la tabagie, — tout droit, comme d’instinct ; puis il parcourt à la hâte les corridors ; enfin il entre précipitamment à la Chambre, lançant partout sur son passage cet appel collectif aux Canadiens-Français :

— Hé ! hé ! là-bas, les amis, arrivez donc prendre un verre… C’est le bill de H… ou de L… à matin (sic).

Dociles à cette voix, les députés de la province de Québec défilent à la queue-leu-leu, pour aller boire le champagne à la chambre de M.***.

Puis, après avoir trinqué, ils s’en vont voter tranquillement, en bloc, pour le bill de H… ou de L…, c’est-à-dire pour un nouveau scheme, particulièrement effronté, du Canadien-Pacifique ou du Canadien-Nord.