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ADIEUX À NOS VIEUX BUREAUX

Pendant quatre ans, cette masure a fait, en même temps que la consolation des honnêtes gens, le châtiment des criminels.

Pendant quatre ans, cette vieille maison délabrée, presque seule, a servi de rempart contre l’audace des voleurs de grand chemin. Pendant quatre ans elle a été leur terreur et leur cauchemar.

Députés prévaricateurs, ministres d’aventure, financiers sans conscience et sans pudeur, ils avaient pour eux l’argent, la presse, le pouvoir, — et quelquefois la prostitution des lois. Le Nationaliste, lui, n’avait que cet asile, et il les a fait tous trembler…

Toujours les coquins sentaient planer sur leur tête la menace de son gourdin ; toujours les politiciens se demandaient : Qu’est-ce que le Nationaliste va dire de moi, dimanche ? Nous gâtions à Dansereau le goût des meilleures viandes, nous donnions à sir Lomer une maladie de foie. Jérémie Décarie ne ressentait plus de joie à s’habiller de drap fin, et Mousseau jugeait maintenant l’éloquence inutile, et vaine la gloire de l’homme public. Nous jetions une ombre de mort au sein de leurs plus gais banquets, nous versions du poison dans leurs verres. La fumée de leurs havanes ne dessinait plus à leurs yeux que les spectres grimaçants de nos rédacteurs. La nuit, ils nous retrouvaient dans leur