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MON ENCRIER

tacle de députés et de ministres canadiens-français réclamant l’abolition de la langue française dans deux provinces[1]. Durant le siècle qui suivit la Conquête notre population s’était élevée de soixante mille âmes à un million et demi, et avait pu maintenir ainsi un certain équilibre entre elle et l’élément anglais : eux, nos hommes publics, sont aujourd’hui les premiers à favoriser une politique d’immigration contraire à tous les intérêts du pays, et qui d’ici à vingt ans, si elle se continue, aura eu pour résultat d’assurer l’irrémédiable déchéance de notre nationalité. Dans la province de Québec nous avions notre domaine public. Nous qui depuis un siècle et demi n’avons eu aucune relation avec la France, nous qui n’avons pas, et qui n’avons jamais eu, comme nos concitoyens d’autre origine, les capitaux des vieux pays pour nous aider, nous avions nos forêts. Qu’ont fait nos gouvernants de cet héritage merveilleux ? Au lieu d’en faire bénéficier le peuple, au lieu de s’en servir pour faciliter aux nôtres l’accès de la richesse, ils l’ont partagé entre une poignée de spéculateurs. Nous aurions pu rivaliser fraternellement avec nos concitoyens anglais dans la course du progrès ; nous aurions pu prendre notre part du développement du pays. Ces gens-là nous en ont empêchés. Également absorbés par la chas-

  1. Ontario et Manitoba