Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome I, 1922.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
LA FAILLITE (?) DU NATIONALISME

viens de mettre sous vos yeux, il pouvait, dans ce même article, se croire tenu de nous prêcher, quand même, l’intervention comme un devoir. Écoutez-le en effet :

Indépendamment (cependant) de ses « obligations » coloniales, nulles en fonction de l’histoire, de la constitution et des faits, le Canada, comme nation embryonnaire si l’on veut, comme communauté humaine, peut-il rester indifférent au conflit européen ?

À cette deuxième question, comme à la première, je réponds sans hésiter : Non.

Le Canada, nation anglo-française, liée à l’Angleterre et à la France par mille attaches ethniques, sociales, intellectuelles, économiques, a un intérêt vital au maintien de la France et de l’Angleterre, de leur prestige, de leur puissance, de leur action mondiale.

C’est donc son devoir de contribuer, dans la mesure de ses forces et par les moyens d’action qui lui sont propres, au triomphe et surtout à l’endurance des efforts combinés de la France et de l’Angleterre.[1]

Ajoutez que M. Bourassa, ainsi qu’il devait s’en expliquer formellement la semaine suivante, n’hésitait aucunement à comprendre, au nombre de ces « moyens d’action », « l’envoi de troupes canadiennes en Europe »[2], et vous vous serez fait, je crois, une parfaite idée des deux thèses contraires qu’il soutenait simultanément dans ce miraculeux article.

De ces deux thèses, je n’entends discuter, pour l’instant, ni l’une ni l’autre. J’en voudrais seulement souligner, dès ici, l’absolue incompatibili-

  1. Même observation qu’à la page 165.
  2. Voir plus loin, page 174.