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MON ENCRIER

province, en forte partie, s’était rallié à ses idées. Ce qui surtout a triomphé dans le Québec, aux élections de 1911, si triste que la chose soit à dire, ce ne sont point les idées nationalistes : ce sont tout bonnement les deux forces coalisées de l’argent tory et du whisky canadien.[1]

Vous seriez encore moins fondé, s’il se peut, à vouloir juger de l’influence présente de M. Bourassa par la quantité d’auditeurs qui se pressent à la moindre de ses réunions et les applaudissements qu’il y recueille. Hélas ! on sait ce qu’il en faut penser, de ces applaudissements. « Ils parlent en allemand, disait Napoléon des Alsaciens de son temps, mais il se battent en français. » De même pourrait-on dire, de tant de braves gens qui au cours d’une soirée enfiévrée se seront donnés pour une heure au grand tribun, séduits par sa parole magique : Ils applaudissent en nationalistes, mais ils votent en rouges — ou en bleus.

Non vraiment, M. Bourassa, tout compte fait, n’aura pas eu de chance dans son apostolat. Malgré tout son zèle et toute son éloquence resté jusqu’ici incompris de la foule, profondément

  1. Ce furent bien, en effet, les tories qui subventionnèrent la campagne nationaliste de 1911 (nous en avons, notamment, l’aveu public de M. Armand Lavergne ; cf. le Devoir de 1916), et il paraît bien qu’ils n’y allèrent pas à petits frais. — Quant à l’alcool, on se fera, de son rôle dans la même lutte, quelque idée peut-être par le fait qu’il coula littéralement à flots jusque dans des circonscriptions aussi peu douteuses que Jacques-Cartier. Veut-on des précisions ? Durant les deux jours qui précédèrent la votation, à Saint-Laurent, la paroisse ne dessaoûla pas, ailleurs encore. Ô « triomphe des principes » !