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RACE DE VOLEURS[1]

Les Canadiens français, la chose est notoire, sont gens à s’entendre sur bien peu de sujets (ce n’est d’ailleurs pas un reproche que je leur fais). Qu’il s’agisse d’instruction publique ou de colonisation, de défense nationale ou de tarifs douaniers, les débats entre eux ne sont jamais finis. Que n’ont-ils discuté, que ne discutent-ils encore, depuis la bravoure du docteur Mignault jusqu’à la question de savoir si 2 et 2 font 4 ? Il n’est qu’un point, à ma connaissance, sur lequel ils aient, depuis quelque temps déjà, fait l’unanimité, — c’est la corruption presque universelle de leurs gouvernants et l’effroyable abaissement de leur vie publique.

Là-dessus par exemple, on peut le dire, l’accord est complet. Petit épicier du Faubourg Québec ou gros avocat de la Rue Saint-Jacques, membre de la Chambre de Commerce ou pied-noir du Nord, n’ont là-dessus qu’une voix. Tous, au moins dans l’intimité, sont unanimes à reconnaître, voire à proclamer, que le bon peuple se fait tous les jours voler par tous ses mandataires à peu d’exceptions près ; que le péculat, le boodlage, le graft, sont de pratique courante non-

  1. Action, 27 février 1915.