Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome I, 1922.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
LE MÉDECIN MALGRÉ MOI

— Toutefois, dit-il, pour plus de sûreté, je m’en vais vous ausculter.

Ayant mis à exécution ce projet :

— Je vois, dit-il en me regardant au blanc des yeux, ce que vous avez. C’est des apéritifs qu’il vous faut. Je m’en vais vous envoyer des amers.

Durant la semaine qui suivit, il ne manqua pas un seul jour de me venir ausculter, ni de m’envoyer des amers.

Oh ! ces amers… Régulièrement, à tous les repas, on me les apportait dans ma cellule. Je n’ai pas souvenir qu’on y ait manqué une seule fois.

Le malheur, c’est que plus on me donnait envie de manger, moins on me donnait de quoi manger. J’en étais toujours réduit au skelley matin et soir, à la soupe aux légumes ou à la jambe de botte le midi.

Vous pouvez penser si j’avais là de quoi faire, comme disait mon médecin, de la suralimentation !

En six jours, — grâce aux amers, je suppose, — j’avais bien pu prendre de huit à dix bouchées à la table pénitentiaire. Je n’exagère pas.

Joignez à cela le repos bien mérité de la cellule (de cinq heures et demie du soir à six heures du matin), dans l’atmosphère parfumée par le voisinage de l’Italien ; les insomnies et les nausées… et dites si je n’aurais pas eu mauvaise grâce à me plaindre !