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ALCIDON
.


Qu'avez-vous à pleurer ?

HESPÉRIE
.


Ah ! Que je suis coupable !

ALCIDON
.


Quoi donc, elle s'accuse ? Hélas je suis perdu.

J'ai pour la marier un peu trop attendu.

Je savais que la garde en était dangereuse.

Quel mal avez-vous fait ?

HESPÉRIE
.


Ô beauté malheureuse ! [1460]

ALCIDON
.


La méchante a forfait sans doute à son honneur.

Mais je veux étrangler le traître suborneur.

Quel mal as-tu donc fait ?

HESPÉRIE
.


Ah ! Le pourrez-vous croire ?

Je pensais de vos jours être l'heur et la gloire :

Mais je suis votre honte et le fatal tison [1465]

Qui remplira de feu toute votre maison.

ALCIDON
.


Et de crainte et d'horreur tout le corps me chancelle.

HESPÉRIE
.


Ah ! Qu'à votre malheur vous me fîtes si belle.

ALCIDON
.


Rends donc de mon malheur mon esprit éclairci.

HESPÉRIE
.


Quel spectacle, dons Dieux, je viens de voir ici ? [1470]

Ô mes yeux criminels, versez, versez des larmes

Sur ce cruel amas de beautés et de charmes,

C'est vous, mes chers trésors, qui causez ces malheurs.

ALCIDON
.


Au moins pour me parler, apaise tes douleurs.

HESPÉRIE
.


Puisque vous le voulez, j'ai honte, je l'avoue : [1475]

Mais pour dire nos maux, il faut que je me loue.

Dès que j'ouvris les yeux pour regarder le jour,

Je les ouvris aussi pour donner de l'amour.

Ceux qui me pouvaient voir, m'aimaient dès mon enfance,

Au moins de mes beautés adoraient l'espérance. [1480]

Chacun contribuait à mes jeunes plaisirs :

Et ma beauté croissant, croissaient tous les désirs.

Enfin je deviens grande, et quelque part que j'aille

Mes yeux à tous les coeurs livrèrent une bataille.

L'un dit, je suis blessé ; l'autre dit, je suis mort : [1485]