Ô Dieux ! Faites sortir d'un antre ténébreux [55]
Quelque horrible Géant, ou quelque monstre affreux ;
S'il faut que ma valeur manque un jour de matière,
Je vais faire du monde un vaste cimetière.
Scène II
Je sors des antres noirs du mont Parnassien,
Où le fils poil-doré du grand Saturnien [60]
Dans l'esprit forge-vers plante le Dithyrambe,
L'Épode, l'Antistrophe, et le tragique Iambe.
Quel prodige est-ce ci ? Je suis saisi d'horreur.
Profane ; éloigne-toi, j'entre dans ma fureur.
Iacch Iacch Évohé.
La rage le possède : [65]
Contre les furieux la fuite est le remède.
Scène III
Que de descriptions montent en mon cerveau,
Ainsi que les vapeurs d'un fumeux vin nouveau !
Sus donc, représentons une fête Bachique,
Un orage, un beau temps par un vers héroïque, [70]
Plein de mots ampoulés, d'Épithètes puissants,
Et surtout évitons les termes languissants.
Déjà de toutes parts j'entrevois les brigades
De ces Dieux chèvre-pieds, et des folles ménades,
Qui vont célébrer le mystère Orgien [75]
En l'honneur immortel du Père Bromien.
Je vois ce Cuisse-né, suivi du bon Silène,
Qui du gosier exhale une vineuse haleine ;