Combien que mille fois et mille, [675]
J'aye vu et revu la ville
De Paris, où suis à cette heure :
Si est-ce qu'après la demeure
Que j'ai faite au camp d'Allemagne,
Après mainte et mainte montagne, [680]
Dont le souvenir maintes fois
Me fait souffler dedans mes doigts.
Après la soif, après la faim
Qui vint par le défaut du pain :
Et après m'être vu moi-même [685]
Bien dessiré, bien maigre, et blême,
Paris ville mignarde et belle
Me semble une chose nouvelle :
Aussi l'on dit qui veut choisir
Le plus doux du plus doux plaisir, [690]
Il faut avoir premier été
Au mal avant qu'il soit goûté.
Puis-je bien laisser la maison,
Sans que je voie grand foison
De choses braves et pompeuses : [695]
Et mêmement tant de pisseuses,
Qui se font rembourrer leur bas,
Promettent que je n'aurai pas
Le défaut que j'avais au camp :
Mais au fort, en si grand ahan [700]
Je n'en avais pas grand envie.
Mais que fais-je, malgré ma vie ?
En babillant trop je demeure,
Monsieur m'a chargé qu'à cette heure
Je ne faillisse à le trouver, [705]
Il s'en veut aller relever
Contre son Alix les discords,
Pour voir si lutter corps à corps
Vaut mieux que de combattre aux armes
Ô les doux pleurs, hélas ! Les larmes, [710]
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