Page:Fournel - Les Hommes du 14 juillet, 1890.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée
8
LES HOMMES DU 14 JUILLET;

lescence. Le menu dépassait tellement les besoins des prisonniers que plusieurs proposèrent au gouverneur de le réduire, en partageant la différence entre eux, ou qu’ils revendaient la moitié de leurs repas, ce qui leur procurait des revenus importants[1].

Sauf pour ceux qui, par exception, étaient enfermés dans les cachots ou les cellules et tenus au secret, — les espions surtout, — la séquestration du monde était loin d’être comparable à celle de nos prisons cellulaires. D’abord, à moins d’être myope comme mademoiselle Delaunay, on pouvait voir les passants et les reconnaître du haut de la plateforme, pendant la promenade. N’en croyez pas sur ce point le versatile et déclamateur Linguet, non plus que sur bien d’autres. Averti que sa maîtresse, Anne d’Autriche, allait passer par la Porte-Saint-Antoine pour aller trouver le roi à Saint-Maur, La Porte monte sur les tours. « Aussitôt qu’elle m’aperçut, dit-il, elle descendit du devant de son carrosse et se mit à la portière pour me faire signe de la main. » En 1719, lorsque le jeune duc de Richelieu fut mis à la Bastille pour la troisième fois, toutes les dames dont il était le favori prirent l’habitude de venir défiler à certaines heures dans la rue, pour contempler leur idole se promenant, parée et frisée, sur la terrasse. Latude entre en communications suivies avec deux jeunes filles du haut des tours, et en apercevant

  1. Ravaisson, Archives de la Bastille, Introd., xx, xxi.