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LES HOMMES DU 14 JUILLET;

tionnel. La conséquence qu’on en tire est tout au moins douteuse. À supposer que La Porte n’ait point arrangé les choses à sa guise, c’était là un simple essai d’intimidation, qui d’ailleurs ne se réalisa pas, quoiqu’il n’eût rien avoué. La question, qui avait alors une existence légale, ne s’appliquait que dans les prisons judiciaires, où l’on procédait suivant les formes à l’instruction des crimes, et la Bastille n’était qu’une prison administrative.

Mais, précisément à cause du mystère qui environnait la plupart des emprisonnements dans la vieille forteresse, l’opinion qu’on y donnait la torture était répandue. On contait à ce sujet des histoires effrayantes, sans pouvoir citer un seul document. Conduite à la Bastille après la découverte de la conspiration de Cellamare, mademoiselle Delaunay y entra imbue de cette idée, qui la glaçait de terreur. Elle rapporte que, se promenant dans sa chambre avec le lieutenant de roi, elle se hasarda à l’interroger sur certaines particularités redoutables qu’on lui avait apprises relativement au régime de la prison ; il les traita de contes puérils. Alors, baissant le ton, elle lui demanda s’il était vrai qu’on y donnât quelquefois la question sans forme de procès. Il ne répondit mot, fit encore un tour et s’en alla. Elle en conclut que la chose était vraie, jusqu’à ce qu’elle eût découvert que cet officier était sourd d’une oreille et qu’elle était précisément du côté de la mauvaise oreille lorsqu’elle lui avait posé sa demande. Déjà, à son entrée, elle