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théorie de fausse vertu les stimule à fabriquer de la chair à canon, des fourmilières de conscrits obligés de se vendre par misère. Cette paternité imprévoyante est fausse vertu, égoïsme du plaisir. Aussi la nature a-t-elle préservé de ce vice l’éléphant qui est le type des quatre passions affectives prises en sens vraiment social et convenable aux liens généraux. Le Chien, emblème des fausses vertus, est doué de cette fausse paternité qui engendre des fourmilières, des portées de onze (premier des nombres anti-harmoniques), des amas dont les trois quarts doivent périr par le fer, la dent ou la famine.

4o L’honneur — Est la quatrième vertu moulée chez l’éléphant ; mais ce n’est pas l’honneur moral qui prêche le mépris des richesses et veut qu’on boive dans le creux de la main, comme Diogène. L’éléphant veut non-seulement bonne nourriture (80 livres de riz par jour) ; il aime encore le grand luxe en vêtements, en comestibles, en vaisselle, en boisson ; il se trouve humilié par un changement de vaisselle d’argent en vaisselle de terre.

Si l’éléphant est modèle des quatre vertus sociales, il faut, pour la fidélité du tableau qu’il nous représente le sort de la vertu bafouée en Civilisation. Aussi la nature l’a-t-elle couvert de boue. Il aime lui-même à se couvrir de poussière, par image de l’homme vertueux qui se plaît à s’engager dans les voies de la pauvreté, plutôt que de rechercher une fortune où il n’arriverait que par la pratique de tous les vices, rapines, bassesses, vénalités, injustices, trafics, agiotages, accaparements, usure. La nature aurait pu donner à ce noble animal un riche manteau comme celui du tigre ; mais c’eût été un contre-sens, un faux portrait, car dans nos sociétés la vertu réelle et vraiment honorable ne conduit qu’à la pauvreté ; — je dis la vertu réelle et non pas les vertus philosophiques, sagesse de caméléon qui se prête à toutes les infamies conduisant à la fortune.

L’éléphant est un ouvrier très-coûteux ; il travaille bien, mais sa nourriture est dispendieuse. Il n’est pas l’image de nos industrieux, de nos salariés de campagne qui avec six sous et demi par jour n’ont pas même de quoi acheter du pain. Aussi leurs emblèmes sont-ils le Chameau et l’Âne, qui se nourrissent de rebuts et de mauvais traitements. L’âne est emblème du paysan et le chameau emblème de l’esclave. Ce sont les héros de la morale qui veut que l’ouvrier souffre toutes les privations et les misères pour l’honneur de la vertu et qu’il paie les impôts avec joie. La nature est d’avis contraire, elle veut que l’ouvrier vive bien : aussi a-t-elle rendu dispendieux et ami du luxe l’animal laborieux qui est l’emblème des vertus sociables. Notre peuple sera sociable quand il vivra dans l’aisance. Quant aux prétendues vertus de privation, ce sont des vertus insociables reléguées chez les plus malheureux