L’Analogie est la plus amusante des sciences ; elle donne une âme à toute la nature. Dans chaque détail des animaux et végétaux elle dépeint les passions humaines et les relations sociales, l’intérieur de l’homme aussi fidèlement qu’un peintre nous dépeint l’extérieur, et ces tableaux sont très-piquants par la fidélité du pinceau. Par exemple, pourquoi le Lion a-t-il les oreilles coupées comme si le ciseau les avait rognées ? C’est que le Lion représente le Roi. On ne fait pas entendre la vérité aux rois ; les courtisans ne la laissent pas approcher, les souverains sont donc moralement privés de l’usage des oreilles. Ils ne connaissent pas le véritable état des choses, la misère du peuple, ses cris de détresse contre les extorsions fiscales. Ses doléances ne parviennent point jusqu’au monarque. On leur envoie pour les abuser quelques chefs d’artisans bien payés pour vanter le bonheur du peuple et les vertus des administrateurs. Telle a été la dernière scène de Charles X : on lui présenta des charbonniers endimanchés pour l’exciter aux coups d’État, lui dire que charbonnier était maître chez lui.
Pour nous dépeindre cette surdité morale dont les neuf dixièmes des rois sont affectés, la nature a coupé en rond les oreilles du Lion.
Elle n’en a pas fait de même pour l’Âne, qu’elle a pourvu d’oreilles bien amples. C’est que l’Âne représente un être qui entend plus qu’il ne veut l’auguste vérité. Chacun raille son allure pesante et grotesque et son langage trivial ; on lui reproche crûment son ignorance, ses voleries, son patelinage hypocrite. Les oisifs des villes et les laquais des seigneurs le criblent de quolibets. Le pauvre paysan est de même obligé