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n’est point stationnaire comme celle de la Chine et de l’Inde ; le luxe, au contraire, fait en Europe des progrès rapides. Il faut que les autres branches du système social marchent de front, que l’esprit religieux puisse se raffermir et croître en raison des lumières ; que l’amour de Dieu s’augmente en même rapport que le luxe. De là vient que les dogmes qui ont peu convenu dans des siècles grossiers, deviennent comme celui de l’enfer des germes de désorganisation dans des siècles plus avancés en industrie. Il en résulte que la classe éclairée et opulente s’isole de la religion, ne la suit plus de cœur, mais seulement par spéculation sur l’asservissement des petits. Tel est notre état actuel. Ce mépris secret des grands, des savants et des prêtres aussi contre le système religieux et les dogmes de terreur cause le dommage irréparable de faire négliger l’amour de Dieu, l’espérance en Dieu et les précieuses découvertes dont cette espérance eût été le germe. Aussi notre siècle si fécond, si ingénieux en découvertes physiques, ne peut-il pas faire le moindre pas en découverte de politique sociale ; il échoue complètement en ce genre, et devait y échouer, puisqu’il est privé du principal ressort, qui est l’espérance en Dieu, détruite par l’imperfection du système religieux.


V. tableau des absorptions infernales.


Le dogme de l’enfer, principale cause de l’irréligion des modernes, est tellement insoutenable aux yeux même de ceux qui le prêchent, que pour les amener à le démentir, il suffit d’y adhérer pleinement et de leur présenter le tableau de ses résultats. Il importe d’en produire les comptes détaillés pour prouver que les dogmes qui imputent à Dieu tant d’atrocités sont les principales causes du dédain qui pèse sur la religion, que la philosophie est dans cette affaire un coupable d’ordre secondaire à qui d’autres coupables ont mis les armes à la main, fourni les éléments et ressorts d’impiété. À cet effet procédons à un inventaire exact des boucheries infernales.

D’abord, en vertu du dogme « hors l’Église, point de salut, » l’enfer engloutit de plein droit à chaque génération les trois quarts du genre humain, six cent millions de Barbares et Sauvages, tous damnés sans exception pour n’avoir pas eu connaissance de l’Église romaine et de ses dogmes que personne ne leur a communiqués. D’ailleurs, ces dogmes, tels que la transsubstantiation et la consubstantiation, déjà très-inintelligibles aux civilisés qui se vantent de raison, pourraient bien sembler plus incompréhensibles encore aux Barbares et Sauvages, qui n’ont que les lumières du sens commun, très-insuffisantes en pareilles études.