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On peut reprocher aux nations modernes de n’avoir donné que des résultats analogues à leurs manœuvres ou modulation sur extrêmes conjugués. Elles ont produit les deux excès contraires au bon esprit religieux, — dans les siècles ignorants, le fanatisme ascétique, germe des révolutions superstitieuses, — puis dans les siècles éclairés la fausse piété ou crainte de Dieu sans amour. Cette crainte devait engendrer par degrés l’irréligion. Car on en vient bien vite à ne plus aimer ceux qu’il faut craindre. Tel doit être le résultat de tout culte, qui fait de la crainte son principal levier, et n’excite l’amour de Dieu que par des voies incapables de le produire.

Aussi l’irréligion est-elle devenue vice général en Civilisation. Il règne au lieu d’esprit religieux un simulacre de piété qui offre trois variétés principales :

1o La piété mercenaire ou d’intérêt personnel ; par exemple, chez ceux qui tiennent du culte divin une bonne dotation. Leur étalage de sentiment religieux est d’autant plus suspect, qu’ils sont les plus empressés d’avilir Dieu, en étouffant tout espoir de la découverte de son code et en applaudissant au désordre actuel du globe, qui est pour Dieu une double injure en sens matériel et social.

2o La piété spéculative, — celle d’une foule de gens qui ne voient dans la religion qu’un moyen de contenir leurs subalternes, enfants, valets, fermiers, sujets, ou bien qui fréquentent les temples par esprit de parti et coalition avec ceux dont ils briguent la protection.

3o La piété négative ou bouclier de raillerie, ressource des pauvres d’esprit qui, à défaut de moyens, se soutiennent par la cagoterie, ressource des femmes qui au déclin de l’âge se jettent dans les bras de Dieu par distraction, par vide d’esprit, et font de la religion un pis-aller ou contrepoids, au défaut des amours finis pour elles. Aussi voit-on que les coquettes surannées sont des séides de dévotion.

Telles sont les trois nuances de l’esprit religieux chez les modernes. Il ne présente que les gradations de l’hypocrisie. Quel était chez les anciens l’état de l’esprit religieux ? Un parallèle très-court va démontrer leur grande supériorité en ce genre.


L’antiquité n’était pas encore sur la voie de révélation de la Providence ; elle n’avait pas comme nous l’initiative de communication fournie par le calcul newtonien. Cependant la classe éclairée de l’antiquité inclinait pour le bon esprit religieux ; elle cherchait à élever les peuples à la saine croyance, à l’adoration du dieu un, Deo ignoto, disait Cicéron ; elle tendait donc au perfectionnement réel en fait de croyance.

L’antiquité n’était point irréligieuse, parce que ses dogmes et rites