Page:Fourest - Le Géranium ovipare, 1935.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de toi j’aimerai tout ! et je dirai : « Merci ! »
Même — ô prévision trois fois amère ! — si
quelque beau gigolo sans barbe ni moustache,
un marlou vigoureux affûtant son eustache,
un chansonnier pleurant d’amour sous ton balcon,
ou bien un fox-trotter, ornement du bal qu’on
admire sous le frac veut cueillir l’œillet rose
de ton baiser eh bien ! pauvre cornard morose,
je resterai bien sage en un coin, étouffant
mes sanglots et plus tard je dirai que l’enfant
est moi-même en plus beau. Catharreux, cacochyme,
usé jusqu’à la corde et jusqu’au parenchyme
je mourrai dans un an, six mois, peut-être avant :
alors mes vingt châteaux, mes cent moulins à vent,
mon ancestral donjon que tapissent des lierres,
bijoux, argent, tableaux et valeurs mobilières,
tout je te laisse tout, je te l’atteste, amant
fidèle et généreux, par un bon testament
et mes os danseront de bonheur dans ma tombe
si quelquefois, rêveuse à l’heure où le soir tombe,
Colombine murmure : — « Oh ! tant qu’il a vécu
il m’aima bien pourtant, Cassandre le cocu ! »
Colombine sourit, fillette encore sage
et, glissant le billet musqué dans son corsage,
se disait : « Tu feras, subtile étonnamment,
du riche ton époux, du jeune ton amant ! »