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m. paul bourget

soit resté peut-être assez de foi pour croire aux dénouements de la science.

C’est qu’en effet le scepticisme de M. Paul Bourget est d’autant plus profond qu’il est involontaire, qu’il n’a jamais été voulu et qu’au rebours des gens qui se vantent de ne croire à rien et qui croient à tout, M. Paul Bourget voudrait bien croire à quelque chose, en étant sûr toutefois qu’il a raison d’y croire. Son flegme d’écrivain et ce je ne sais quoi d’impassible, de dédaigneusement hautain qui fait certaines parties de son œuvre implacables et froidement belles comme une lame d’épée, tout cela n’est qu’un mirage, qu’une manière d’auteur moderne. En réalité, M. Paul Bourget s’émeut et souffre. Dans cet analyste quand même, dans cet artiste dont les livres sont si corrects, si étudiés, si écrits, il y a quelques vagues réminiscences de 1830. Derrière l’écrivain on devine, lorsqu’on lit un peu entre les lignes, l’homme ardent, inquiet, tourmenté, l’homme humain qui lutte, qui se désespère et se consume, ballotté entre l’indéchiffrable qu’il voudrait connaître et l’incertitude de ce qu’il connaît.

Du ciel où il ne pouvait rien lire, M. Paul Bourget est descendu sur la terre. Il a fermé les gros livres où il n’y a, somme toute, pas grand’-