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m. paul bourget

sans vouloir écouter, sans faire le moindre effort pour comprendre celle de ses voisins.

En ces dernières années cependant la plupart de nos écrivains sont stimulés par un même désir : être vrais. Seulement, chacun comprend ces mots à sa façon et applique la loi comme il la comprend. D’où toutes sortes de vérités, car, sans parler des vérités absolues, que chacun voit avec ses yeux ; ni des vérités relatives, qui sont des erreurs déguisées ; ni des vérités qui nous gênent et que nous nommons mensonges ; ni des mensonges qui nous plaisent et que nous baptisons vérités ; ni des vérités politiques, qui changent avec les gouvernements ; ni des vérités philosophiques, qui se modifient suivant le philosophe ; ni des vérités qu’énumère Figaro ; ni de tant d’autres encore, ne voyons-nous pas que parmi nos écrivains, les uns notent les faits et les disent tels quels, ce qui est la vérité des reporters ; que les autres portraiturent leurs amis et connaissances, ce qui est la vérité des photographes ; que ceux-ci racontent les phénomènes du corps, ce qui est la vérité des physiologistes ; que ceux-là, plus curieux de l’âme humaine, des états du moi, cherchent à nous surprendre dans notre intimité, ce qui est la vérité des psychologues !