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fluences différentes, souvent contraires, a fait de lui une sorte de Protée moral, aux métamorphoses incessantes et rapides.

Sa littérature, endormie d’abord par la phraséologie pompeuse et monotone des prétendus Classiques, passa tout à coup de la paralysie au delirium tremens, réveillée brusquement par les hurlements des Romantiques. A peine ceux-ci se croyaient-ils victorieux que l’École du Bon Sens commençait une réaction vigoureuse ; puis tour à tour les Parnassiens, les Idéalistes, les Réalistes, les Impressionnistes, les Naturalistes, les Physiologistes, les Analystes, les Décadents, les Déliquescents, les Psychologues, les Symbolistes parurent, régnèrent et disparurent.

Que d’écoles anéanties qui s’annonçaient florissantes ! Que d’élans avortés qui semblaient pleins de vigueur ! De tous ces naufrages, surnagent seulement quelques débris, — noms de navires ou noms de capitaines, — mais les esquifs ont sombré, les matelots ont été engloutis ! On pourrait en style académique comparer la littérature de notre temps à une flotte qui irait à travers l’Océan, au hasard, sur les indications d’une boussole dévergondée ; — ou encore à une tour de Babel, où chacun hurlerait sa langue,