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LIVRE DEUXIÈME

L’IMMORALISME INDIVIDUALISTE

ET ARISTOCRATIQUE

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Nietzsche a beau se déclarer « immoraliste », il a lui-même une morale, comme nous verrons que cet athée qui se croit déicide a une religion. C’est la morale aristocratique, poussée jusqu’à la prétention de s’élever par delà le bien et le mal humains pour puiser aux sources éternelles de la vie et de la nature. L’éthique de Nietzsche est utile à étudier comme signe des temps. Nous l’avons déjà remarqué, elle est une réaction violente contre ce vague sentimentalisme qui, chez beaucoup de démocrates, de socialistes, d’anarchistes même, tend, sous les noms de « religion de la souffrance » ou « morale de la pitié », à remplacer toute doctrine rationnelle des devoirs et des droits.

Négation de la morale, idée du Surhomme amoral, qui est un antéchrist, formation d’une aristocratie de maîtres, renversement de la justice et de la pitié, tels sont les principaux points qui doivent attirer notre attention. Les religieux de l’ordre de Nietzsche ne nous promettent rien moins qu’une culture nouvelle fondée sur la culture antichrétienne ; nous aurons donc à nous demander s’il y a dans l’immoralisme de Nietzsche « l’inouï », qu’il se flattait d’y mettre et que ses adeptes veulent nous y faire admirer. Nietzsche se croyait « inactuel », perdu dans notre époque de christianisme comme un représentant anticipé du plus lointain avenir. En