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nietzsche et l’immoralisme

si l’Empire romain n’était point fondé autant et plus sur le sentiment de solidarité, de dévouement au tout, que sur le courage et la guerre. Si les Romains ne connaissaient pas la « pitié », ils connaissaient du moins la « piété » envers la patrie.

Nietzsche, nous l’avons vu encore, oppose sans cesse le « noble » au « bon » :

« Le noble veut créer quelque chose de neuf et une nouvelle vertu. Le bon désire le vieux et que le vieux soit conservé. »


Grâce à cette définition aussi arbitraire qu’aristocratique, Nietzsche a pu se moquer des bons et des justes, les mépriser, leur opposer des valeurs prétendues nouvelles. Il a fait de la moralité le synonyme de légalité et de routine aveugle, de sommeil d’esprit et de cœur.

III

l’anarchisme moral et son évolution vers le socialisme.


Nietzsche est un grand esprit ; malheureusement, c’est un esprit faux, ce qui ne l’a pas empêché de dire une foule de vérités ou de demi-vérités. Que faut-il retenir des doctrines moralement anarchistes qui vont jusqu’à supprimer toute loi morale ? C’est cette idée que les dogmatismes, de quelque nature qu’ils soient, ont toujours des dangers, parce qu’aucun système n’est vrai de tous points et que, le fût-il, il ne serait pas encore la vérité entière. Dès lors, il faut se défier du dogmatisme moral comme des autres, d’autant plus qu’il confine au fanatisme moral. Toutes les orthodoxies finissent, comme Guyau aimait à le répéter, par rétrécir les intelligences, dessécher les cœurs, fanatiser les volontés.

Au reste, quand on va au fond des choses, l’individua-