L’attitude de Zarathoustra à l’égard de la mort est
de haut intérêt. La théorie de la mort (Platon l’avait
compris) est une pierre de touche pour les
philosophies. Schopenhauer rejetait la mort volontaire, comme
une affirmation déguisée du vouloir-vivre, comme une
preuve qu’on n’est pas encore détaché de tout désir,
de toute passion, qu’on est simplement désireux de la
jouissance ou, tout au moins, du repos et de l’absence
de douleur. Nietzsche, lui, retourne à la théorie des
anciens sur la mort volontaire :
Il y en a beaucoup, dit-il, qui meurent trop tard et quelques-uns qui meurent trop tôt. La doctrine qui dit : Meurs à temps, semble encore étrange.
Celui qui ne vit jamais à temps, comment devrait-il mourir à temps ? Qu’il ne soit donc jamais né ! Voilà ce que je conseille aux superflus.
Cette doctrine est d’ailleurs bizarre : car à quel signe reconnaîtra-t-on les superflus ? Et surtout comment reconnaîtront-ils eux-mêmes leur superfluité… jusqu’à ne pas naître ? Combien, d’ailleurs, semblent superflus qui rendent plus de services aux hommes que tels prétendus héros ?
Zarathoustra reproche aux superflus, non seulement
de naître, mais de « faire les importants » ; devant la mort
« même la noix la plus creuse prétend être cassée ».
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Ils accordent tous de l’importance à la mort La mort n’est point encore une tète. Les hommes ne savent point encore comment on consacre les plus belles fêtes. Je vous montre la mort qui accomplit, la mort qui, pour les vivants, devient un aiguillon et une promesse. Celui qui accomplit meurt de sa mort, victorieux, entouré de ceux qui espèrent et promettent. C’est ainsi qu’il faudrait apprendre à mourir ; et il ne devrait pas y avoir de fête sans qu’un tel mourant ne sanctifie les serments des vivants !