alors que je porterai dans les abîmes ma bienfaisante affirmation.
Je suis devenu celui qui bénit et qui affirme ; et pour cela j’ai longtemps lutté. Je fus un lutteur afin d’avoir un jour les mains libres pour bénir.
Ceci cependant est ma bénédiction : être au-dessus de chaque chose comme son propre ciel, son toit arrondi, sa cloche d’azur et son éternelle quiétude ; et bienheureux celui qui bénit ainsi !
Car toutes choses sont baptisées à la source de l’éternité, et par delà le bien et le mal ; mais le bien et le mal ne sont eux-mêmes que des ombres fugitives, d’humides afflictions et des nuages passagers.
Spinoza ne démontre plus more geometrico, il chante des hymnes enthousiastes à la Nature éternelle, à la fois « naturée » et « naturante », où le bien et le mal se fondent dans le vrai éternel, et où le vrai lui-même se fond dans l’éternelle réalité.
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Qu’entends-je ? dit en cet endroit le vieux pape en dressant l’oreille ; ô Zarathoustra, tu es plus pieux que tu ne le crois, avec une telle incrédulité. Il a dû y avoir un Dieu quelconque qui t’a converti à ton impiété. N’est-ce pas ta piété même qui t’empêche encore de croire à un pieu ? Et ta trop grande loyauté te conduira encore par-delà le bien et le mal ! Vois donc ce qui t’est réservé ! Tu as des yeux, une main et une bouche qui sont prédestinés à bénir de toute éternité. On ne bénit pas seulement avec les mains. Auprès de toi, quoique tu veuilles être le plus impie, je sens une odeur secrète de longues bénédictions ; je la sens pour moi à la fois bienfaisante et douloureuse[1].
- ↑ Zarathoustra, tr.fr., p. 368.