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culte apollinien et dionysien de la nature

    Si je suis moi-même un grain de sable rédempteur, qui lait que toutes choses se mêlent bien dans la cruche des mixtures : —
    — car il existe un sel qui lie le bien au mal ; et le mal lui-même est digne de servir d’épice et de faire déborder l’écume de la cruche : —
    — Oh ! comment ne serais-je pas ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, — l’anneau du devenir et du retour ?
    Jamais encore je n’ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n’est cette femme que j’aime : car je t’aime, ô éternité !
    Car je t’aime, ô Éternité !
    Si j’aime la mer et tout ce qui ressemble à la mer, et le plus encore quand fougueuse elle me contredit ;
    Si je porte en moi cette joie de chercheur, cette joie qui pousse la voile vers l’inconnu, s’il y a dans ma joie une joie de navigateur ;
    Si jamais mon allégresse s’écria : « Les côtes ont disparu — maintenant ma dernière chaîne est tombée —
    — l’immensité sans bornes bouillonne autour de moi, bien loin de moi scintillent le temps et l’espace, allons en route vieux cœur » —
    Oh ! comment ne serais-je pas ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, — l’anneau du devenir et du retour ?
    Jamais encore je n’ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n’est cette femme que j’aime : car je t’aime, ô éternité !
    Car je t’aime, ô Éternité !
    Si jamais j’ai déployé des ciels tranquilles au-dessus de moi, volant de mes propres ailes dans mon propre ciel :
    Si j’ai nagé en me jouant dans de profonds lointains de lumière, si la sagesse d’oiseau de ma liberté est venue : —
    — car ainsi parle la sagesse de l’oiseau : « Voici, il n’y a pas d’en haut, il n’y a pas d’en bas ! Jette-toi alentour, en avant, en arrière, léger que tu es ! Chante ! ne parle plus !
    — « toutes les paroles ne sont-elles pas faites pour ceux qui sont lourds ? Toutes les paroles ne mentent-elles pas à celui qui est léger ! Chante ! ne parle plus ! »
    Oh ! comment ne serais-je pas ardent de l’éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux, l’anneau du devenir et du retour !
    Jamais encore je n’ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n’est cette femme que j’aime : car je t’aime, ô éternité !
    Car je t’aime, ô Éternité !