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DESCARTES.

senne, d’ouvrir le chemin pour faire que, par succession de temps, on puisse connaître toutes les formes des choses, en ajoutant l’expérience à la ratiocination. » Il se flatte qu’il pourrait lui-même achever en ses parties essentielles l’explication « selon ses souhaits », pourvu qu’il eût du loisir « et la commodité de faire quelques expériences ». Mais il se passera plusieurs siècles, dit-il, « avant qu’on ait déduit de ces principes toutes les vérités qu’on en peut déduire ». Et pourquoi ? « Parce que la plupart des vérités qui restent à trouver dépendent de quelques expériences particulières, qui ne se rencontrent jamais par hasard, mais qui doivent être cherchées avec soin et dépense par des hommes fort intelligents. » Sa fierté se refuserait à accepter l’argent nécessaire aux expérimentations, sinon de la part de l’État ; mais l’État ne s’en occupe guère.

L’expérience a, pour Descartes, une double utilité. La première, c’est de fournir les problèmes à résoudre ; la seconde, de « vérifier » les solutions. La nature est le sphinx qui propose des énigmes. Le nombre des problèmes est illimité, mais il en est dont la solution se manifeste actuellement à nos yeux dans la nature. Une pierre lancée par la fronde tombe après avoir décrit une courbe ; pourquoi tombe-t-elle et pourquoi décrit-elle cette ligne ? L’arc-en-ciel brille après l’orage ; pourquoi ? Il faut, dit Descartes, « que nous puissions choisir, entre une infinité d’effets qui peuvent être déduits des mêmes causes, ceux que nous devons principalement