Page:Fougeret de Monbron - Le Canapé couleur de feu.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Crapaudine, néanmoins, ayant peine à quitter prise, me serrait toujours étroitement et se trémoussait sous moi de son mieux. Mais ses efforts n’aboutissant à rien, l’amour fit tout à coup place à la rage ; et l’inhumaine, me détachant sur la poitrine un des meilleurs coups de poing qui se soient jamais donnés, je me fis, en tombant à dix pas de là, une bosse à la tête et une contusion au derrière, dont je me ressens encore aujourd’hui, faute d’avoir été pansé dans le temps. Enfin, Crapaudine, me lançant de ses petits yeux chassieux des regards à faire dresser les cheveux de frayeur, me prononça cet arrêt :

— Pour expier l’injure que tu m’as faite, dit-elle, on prendra désormais sur toi les plaisirs que tu n’as pu me procurer. Tu serviras indistinctement à tout le monde, maître et valet ; chacun te fera gémir sous les secousses qu’il te donnera, et tu ne recouvreras ta première forme que lorsque entre tes bras on aura commis une faute égale à la tienne.

En même temps elle me cracha au visage ; et, avant que je pusse m’essuyer, je me trouvai canapé : incontinent après je fus emporté par quatre génies à Paris, et exposé en vente sur le pont Saint-Michel.