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Sur quoi elle lui conseilla de se ménager si sagement, qu’elle ne donnât aucun soupçon, parce que le prince, quelque âge qu’il eût, n’était pas tant à l’épreuve des remontrances de sa tante, qu’elle ne le portât à se défaire d’une inclination capable de préjudicier à l’alliance d’une princesse que toute l’Allemagne lui destinait.

Elle avait raison de lui donner cet avis ; car peu de jours après, le prince allant rendre une visite sérieuse à sa tante, elle lui demanda la liberté de lui remontrer qu’on se divertissait à la cour des assiduités qu’il rendait à un de ses pages et de la familiarité qu’il avait avec lui ; qu’on faisait de son commerce au-dessous de son rang des railleries, jusque-là que quelques audacieux avaient dit qu’ils s’étonnaient fort de ce qu’ils n’entreprenaient point quelque voyage en Italie ; raillerie qu’on lui avait dit être la plus sanglante qui se pût faire au monde.

Ces remontrances mortifiantes, et faites à un prince qui portait impatiemment de se voir repris, le rendirent encore plus l’esclave des charmes de son page. Il ne pouvait être un moment séparé de lui et n’était jamais en belle humeur qu’après l’avoir eu enfermé avec lui des heures entières.