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la plupart à répéter l'éternelle formule du credo bouddhique sur l'instabilité de ce monde : Ye dharmâ hetuprabhavà, etc.

Cette absence — ou ce silence — des inscriptions est d'autant plus regrettable que, les fidèles ayant à présent disparu, personne n'est plus là pour nous donner le titre exact de toutes ces divinités. A la vérité nombre d'images bouddhiques sont encore actuellement vénérées dans l'Inde : mais elles le sont sous des travestissements hindous. Le Buddha du sanctuaire de Mahâbodhi ne doit d'avoir conservé son nom qu'à la théorie qui en fait un avatar de Viṣṇu : c'est ainsi qu'il porte au front, chaque matin renouvelée par un officiant brahmanique, la marque sectaire des Vaiṣṇavas[1]. Le plus souvent la statue change non seulement de nom, mais encore de sexe au gré de ses nouveaux adorateurs. A Bodh-Gayâ encore, dans l'une des petites chapelles voisines du temple, un Buddha, affublé d’une robe, est devenu une représentation d'Annapûrṇâ, la déesse hindoue de l'abondance. A côté, sept Buddhas, un Vajrapaṇi et une Târâ ont reçu les noms des cinq fils de Pâṇḍu, de leurs deux mères Kuntì et Mâdrî, de leur épouse Draupadì et de leur cousin Kṛṣṇa. Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que ce curieux procédé d'adaptation à des cultes nouveaux d'anciennes images soit par-

  1. V. fig. 10. Cf. encore la marque çaiva sur le front de l'idole de la fig. 16 qu'un jeune moine était justement occupé à vénérer. On sait qu'à la suite des restaurations exécutées à grands frais pour le compte du gouvernement du Bengale, le temple de Bodh-Gayà vient de faire l'objet d'un procès retentissant entre la « Mahàbodhi Society » et le supérieur du couvent çaiva voisin : le Mahant est resté propriétaire du temple, et y fait célébrer, par un brahmane à ses gages, un semblant de culte hindou, tout en continuant à percevoir les offrandes des pèlerins bouddhistes. — Pour la question de l'introduction du Buddha dans le panthéon brahmanique, nous pouvons renvoyer à un article sur le Buddhàvatàra de Kṣemendra, dans le Journal asiatique, 1893.