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naître l’unique station du rarissime Brassica insularis Moris.

Vers cinq heures, la brise fraîchissant un peu, nous eûmes une forte houle par le travers des îles d’Hyères ; mais l’horizon demeurait toujours sans brume, éclairé par le soleil couchant, et nous pûmes jusqu’à la dernière minute du jour contempler l’admirable panorama qui s’offrait à nos yeux. Tout près de nous les îles d’Hyères, pareilles à des bouquets de verdure égarés dans le bleu des eaux ; au loin la côte grise et blanche, tantôt hérissée de rocs, tantôt couronnée de bois sombres, dont les falaises abruptes et dénudées plongent à vif dans la mer profonde comme les parois d’un abîme ; derrière les découpures des caps et des golfes, une tache claire au fond d’une rade : c’est Toulon dont les premiers feux s’allument déjà ; puis le mont Pharon et sa croupe arrondie ; les basses montagnes du Var, teintées d’une buée violette ; enfin au nord-est, le rivage qu’on a nommé le Pays des Fleurs, se perdant dans les lointains indécis vers Cannes, vers Antibes, vers Nice, vers la chaîne de l’Estérel dont se distinguent, comme une ombre légère, les sommets aigus et dentelés.

L’heure du dîner ne réunit qu’un petit nombre de passagers, la plupart ayant été incommodés par les mouvements du navire qui fatiguait étrangement. Il s’en trouva moins encore sur le pont quand nous remontâmes pour jeter un dernier regard sur la côte de France que nous allions quitter pour quelques semaines, et nous pûmes nous attarder à loisir, tandis que le bateau fuyait dans l’immensité, à écouter les pulsations rythmées de la machine, le bruit monotone