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joug le plus dur, était privée de l’exercice des droits inséparables de l’humanité. Lorsque des milliers d’esclaves passaient toute leur vie à cultiver la terre, à exercer les arts industriels pour le compte de quelques hommes libres, ceux-ci pouvaient consacrer tout leur temps à perfectionner leur intelligence et à s’occuper des affaires publiques ; toutes les dissensions qui s’élevaient entre eux devaient céder facilement à l’intérêt toujours pressant de conserver leur pouvoir sur la partie esclave de la société : et cependant nous voyons partout s’élever des discordes publiques, et quelquefois le sang des citoyens rougir la tribune et le forum. Quand la république romaine fut devenue riche et puissante, la liberté fut perdue, et le despotisme s’établit comme un besoin social. Partons du principe de la société libre comme le christianisme l’a faite, et tout en garantissant les droits naturels de cette immense partie de la population qui ne comptait autrefois que comme un accessoire du sol, protégeons-la par des institutions qui la défendent, ainsi que le reste de la nation, contre les dangers de bouleversements sans cesse renaissants.

L’exemple des républiques modernes n’a rien de plus concluant ; celles de l’Europe, resserrées sur des territoires fort restreints, ne doivent leur conservation qu’à des circonstances topographiques et politiques toutes spéciales, qui leur assurent la protection des grandes puissances. Quant aux républiques qui composent les États-Unis d’Amérique, on ne peut en rien conclure d’applicable aux États de la vieille Europe. La société américaine a été fondée, il n’y a pas encore deux siècles, par des hommes qui apportaient dans les vastes et fertiles déserts du Nouveau-Monde une civilisation avancée, une doctrine religieuse très-austère ; cette société