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le pouce crochu

— Et c’est maintenant que vous m’annoncez ce départ précipité !

— Hier encore, je ne le prévoyais pas. La lettre que j’ai reçue de Londres m’est arrivée ce matin seulement. Je n’ai pas osé me présenter chez vous avant l’heure où vous voulez bien me recevoir… et j’allais vous apprendre ce fâcheux contretemps, lorsque M. Gémozac est survenu. Je n’ai pas voulu vous en parler pendant qu’il était là. Il aurait cru que je tenais à quitter la France avant que ses correspondants l’eussent renseigné sur mon compte.

— Quelle idée !

— Vous n’avez donc pas vu qu’il est sorti furieux ? S’il s’était contenté de montrer que je lui déplaisais, je n’y aurais pas pris garde, mais il vous a marqué plus que de la froideur, et mon devoir est de vous avertir que vous ne devez plus compter sur lui. Cet homme ne vous pardonnera jamais de m’avoir préféré à son fils… et il fera tout ce qu’il pourra pour me nuire.

— Eh ! que m’importe ! mes sentiments ne changeront pas. Ni les calomnies ni votre absence ne me feront oublier que nous sommes fiancés.

— Si j’en étais sûr, je partirais le cœur moins gros.

— Ainsi, vous doutez de moi ! Qu’ai-je donc fait pour cela !… et que faut-il que je fasse pour vous prouver que je tiendrai ma promesse ?… Si la loi le permettait, je vous épouserais demain…

— Mais la loi s’y oppose… et les formalités sont longues… Que ne sommes-nous Anglais !… Nous nous présenterions, devant un ministre de l’Église protestante… Nous lui déclarerions, sous la foi du serment, qu’il n’existe aucun empêchement légal à notre mariage… et il nous marierait,