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le pouce crochu

— Nous nous en passerons. Je sais bien que le salé, ça altère, mais nous avons là dedans de quoi boire à notre soif.

— Savoir !… les barriques sont peut-être vides.

— Oh ! que non. J’ai cogné dessus. Elles sonnent le plein.

— Bon ! mais qu’est-ce qu’il y a dedans ? Pour sûr, ce n’est pas de l’eau. Les fraudeurs ne s’amusent pas à emmagasiner du bouillon de grenouille.

— Mais, père, vous ne l’aimez pas beaucoup, l’eau… et si c’est du bon vin, ça ne vous fera pas de peine.

— Essaie un peu, pour voir.

Georget tourna le robinet le plus rapproché et reçut dans le creux de sa main un liquide qu’il porta vivement à sa bouche.

— Pouah ! que c’est fort ! dit-il en crachant la gorgée, faute de pouvoir l’avaler.

— C’est de l’eau-de-vie, parbleu ! grommela Courapied. Encore si c’était de la fine ! Mais ça doit être du trois-six. Drôle de rafraîchissant ! Nous crèverons, si nous ne buvons que ça.

— Je vas toujours m’en servir pour me débarbouiller. Je ne veux pas rester nègre.

Et le gamin, laissant couler le robinet, se mit bravement à se laver la figure avec de l’alcool à beaucoup de degrés.

Courapied fit comme lui et goûta, par la même occasion la liqueur, qui était bien de l’esprit de vin presque pur.

— Nous ne tiendrons pas à ce régime-là, grommela-t-il ; à moins que nous ne trouvions une source, nous aurons bientôt le feu dans le corps.

— Tâchons de ne pas le mettre aux tonneaux, riposta