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le pouce crochu

— C’est un M. Tergowitz… et il a été présenté comme invité par ce major polonais qui a un nom impossible à prononcer.

— Bon ! je suis fixé ! grommela Fresnay.

Et il s’en alla frapper sur l’épaule de Gémozac, juste au moment où le tableau sur lequel pontait le Hongrois avait fait banco.

Julien se retourna, vit son ami et se leva en disant :

— À un autre ! la banque est levée.

Les pontes murmurèrent, car ils n’avaient eu qu’une bien petite part de la banque de Gémozac enlevée par le nouveau venu, en quatre coups, dont un dernier, où il jouait tout seul. Mais comme ils ne pouvaient pas forcer Gémozac à continuer, le silence se fit promptement ; et comme on parlait de mettre la banque aux enchères, l’invité dit tranquillement :

— Je la prends à mille louis.

C’était le comble de l’aplomb pour un oiseau de passage qui n’était pas membre du Cercle, mais personne ne réclama contre cette illégalité, parce que chacun espérait se refaire sur ce vainqueur qui exposait une grosse somme avec tant de désinvolture.

Fresnay s’était aussitôt emparé de Gémozac, et il s’empressa de l’entraîner dans un coin du salon.

— Tu es donc fou ! lui dit-il à demi-voix. Gagner péniblement deux cents louis et les reperdre en trois coups, c’est absurde.

Julien, pour toute réponse, haussa les épaules.

— Parbleu ! reprit Alfred, je te conseille, maintenant, de me reprocher d’avoir meublé l’hôtel de feu mon oncle pour y installer ma Hongroise.

— Tu en as le droit, et moi j’ai le droit de jouer. Quand