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le pouce crochu

la salle n’était pas pleine, car le pitre s’égosillait à crier : « Entrrrez, messieurs, entrrrez pour voir la dernière exercice du célèbre Zig-Zag, de la tribu des Beni-Dig-Dig… Prrenez vos billets… ça ne coûte que cinquante centimes aux premières, vingt-cinq centimes aux secondes… et deux sous pour messieurs les militaires non gradés. »

La femme reprenait le refrain d’une voix de fausset et tout en promenant sur la foule des regards insolents, elle cinglait sournoisement avec sa baguette les maigres mollets du pauvre petit diable de paillasse qui grimaçait pour cacher ses larmes.

Il ne paraissait pas que ce boniment fît de l’effet, car les badauds ne se pressaient pas d’entrer. Quelques-uns admiraient la fée qui était une brune, aux yeux noirs, bien campée sur ses jambes et véritablement jolie, en dépit de sa physionomie dure ; d’autres agaçaient un énorme bouledogue qui leur répondait par de furieux aboiements.

Camille ne s’arrêta point à ces bagatelles de la porte. Elle fendit l’attroupement et elle arriva au pied de l’escalier à claire-voie, juste au même moment que deux jeunes gens, qui avaient l’air d’être un peu lancés, deux viveurs mondains venus là par fantaisie excentrique, après avoir dîné dans un cabaret à la mode, fort loin de la place du Trône.

Ils s’arrêtèrent ébahis en apercevant Camille que le désordre de sa toilette n’enlaidissait pas du tout et quoiqu’ils la prissent peut-être pour une fille, ils s’effacèrent pour la laisser passer.

Elle franchit lestement les marches vermoulues de l’escalier branlant, et à peine arrivée sur l’estrade, elle courut droit à l’entrée du théâtre gardée par une vieille édentée qui recevait le prix des places et qui lui dit d’une voix de rogomme :