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le pouce crochu

— Comment ! vrai ? c’est une largue ? demanda l’autre, le porteur.

— Oui, mon vieux… et une chouette encore !

— Eh ! ben ! finis le barbot… après, nous l’emporterons dans le champ de fèves… et on pourra rigoler.

— Elle va crier.

— Je m’en bats l’œil. Les roussins sont couchés et les biffins de la cité du Soleil ne passent jamais par ici.

— Ça ne fait rien. Je vas la museler.

Et le coquin, détachant le cache-nez crasseux qui lui servait de cravate, l’appliqua sur la bouche de la jeune fille, lui entortilla la tête avec cette loque de laine et la bâillonna en un clin d’œil.

Cette fois Camille, à moitié asphyxiée, s’évanouit.

— C’est fait. Lâche-la ! reprit l’homme après avoir vidé et retourné toutes les poches.

L’autre ouvrit ses mains qui tenaient la courroie et mademoiselle Monistrol tomba comme une masse sur le macadam de la route.

— Bien ! elle a son compte. Prends la gonzesse par les épaules, moi je vais la prendre par les pieds. Et enlevons !… c’est pesé… je connais, pas loin d’ici, un endroit où nous ne serons pas dérangés.

— Je ne dis pas non, mon vieux. Mais, minute !… je demande à compter d’abord… les bons comptes font les bons amis.

— Tu crois donc que je veux te refaire ?

— Je n’en sais rien, mais je n’ai pas d’yeux derrière la tête et je n’ai pas pu te surveiller pendant que tu la barbotais… Maintenant, je demande à voir… et à partager.

— Voilà, frangin !… quatorze louis de vingt balles qui se baladaient dans la poche de gilet… une montre en or