N’arrive-t-il pas souvent que des voyageurs passent pour morts, durant cinq, dix, quinze ans et qu’ils reviennent un beau matin, gaillards comme avant, prendre le déjeuner en famille.
— Cela s’est vu, néanmoins, croyez-moi, le capitaine du Marie-Céleste n’est pas de ceux-là. Avant de demander votre main, j’ai étudié à fond son cas ; et sans vouloir vous affliger, humainement parlant, il est impossible que l’équipage de ce brick soit ailleurs qu’au fond de l’Atlantique…
Et il eut pu ajouter : « C’est moi-même qui ai fait jeter le capitaine à la mer, dans une mauvaise chaloupe, à deux cents lieues de toute côte. »
— Vous m’affligez profondément, répondit Jeanne, cependant vous n’affaiblissez pas l’espoir que je garde de revoir mon fiancé.
Elle s’arrêta un instant, puis continua d’une voix où se devinait l’émotion.
— N’insistez pas davantage. Il m’est cruel de vous refuser. Mais que diriez-vous d’une personne, qui, après s’être fiancée à vous, en épouserait une autre pour la simple raison qu’elle vous supposerait mort ! N’auriez-vous pas du mépris pour cette personne ?
— Si elle me pensait réellement mort, je lui pardonnerais.
— Je ne crois pas à la mort de Paul Turcotte. J’ai peut-être tort mais que voulez-vous, il est des voix intérieures qu’il est difficile de combattre.
— De grâce, mademoiselle Duval, ne brisez pas votre