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Ce fut surtout en prononçant les mots « ton souvenir est toujours là » que Jeanne mit le plus d’âme.
Ces mots impressionnèrent Charles Gagnon. Ils éveillèrent en lui un passé criminel, rouge de sang. Et quand Jeanne se leva du piano, l’esprit du jeune marchand — comme on l’appelait là-bas — était retourné à huit ans en arrière et remontait, comme dans une échelle, les années agitées de sa jeunesse.
Il prononçait un nom, il évoquait une date qui faisaient vibrer les fibres les plus intimes de son cœur : ce nom, cette date, c’était Jeanne Duval, c’était 1837.
— Avez-vous déjà entendu cette chanson demanda la jeune fille.
— Si, mais jamais avec autant d’expression.
Jeanne rougit et baissa la tête.
— N’est-ce pas, fit-elle, que les mots sont bien beaux… je ne puis m’empêcher d’être émue quand je les chante. Vous ne sauriez croire tous les souvenirs qu’ils éveillent en moi.
Les yeux du banquier se voilèrent et secouant la tête avec amertume, il répondit :
— Je le sais par expérience, hélas !
La fiancée du patriote était trop préoccupée de ses