Page:Fortier - Les mystères de Montréal, 1893.djvu/377

Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
les mystères de montréal

fixe, que les passants évitaient le soir pour ne pas se casser le cou dans les ornières qu’il y avait à chaque arpent.

Le banquier, outre qu’il allongeait son chemin, en passant par là, le rendait plus difficile.

Ce ne fut qu’une heure et demie après que sa voiture déboucha au pied du courant.

La grève était déserte et on entendait que le clapotement des vagues qui venaient se heurter sur les galets. En regardant vers le centre de la ville, on distinguait les lumières d’une dizaine de navires qui se préparaient à lever l’ancre, avant d’être pris dans les glaces.

Tout était solitaire et aucun œil n’était à craindre. Le lieu était propice pour un crime.

Ce fut l’idée qu’eut Lafleur, qui, dégrisé par cette longue promenade au froid, commençait à soupçonner que son maître voulait faire de lui un complice, sur qui il se déchargerait au besoin. Car, que venait faire son maître en cet endroit à cette heure ? avec cet homme sans connaissance, qu’il cachait dans le fond du landau ?

Le banquier, se passant la tête par la portière, lui dit d’arrêter. En même temps il mit pied à terre.

— C’est ici le meilleur endroit, fit-il, descends.

Lafleur sauta à terre.

— Attache le cheval, continua le banquier, nous serons longtemps ici, et viens m’aider à transporter cet homme dans la chaloupe.