Il était à peine ouvert quand le patriote entra. Charles était seul à cette heure matinale. Il fut surpris de voir son rival, car depuis la soirée chez François Bourdages, les deux prétendants à la main de Jeanne Duval n’avaient pas mis les pieds l’un chez l’autre.
— Bonjour Charles, dit le lieutenant de Duval, qu’est-ce qu’on chante de bon, ce matin !
— On chante… que tu sembles oublier ce que nous avons eu ensemble…
— En effet, je l’oublie, car nous avons besoin d’être unis, aujourd’hui : les Canadiens-français sont en danger.
Gagnon se jeta en arrière pour ne pas toucher la main que lui tendait Turcotte, et reprit :
— Je t’ai dit que je ne te donnerais jamais la main.
— Allons donc, Charles, tu vas oublier cela.
— Tu m’as fait trop de bêtises…
— Eh bien, je t’en demande pardon.
— C’est facile à demander ces pardons-là… Mais tu perds ton temps, restons chacun chez nous ; nous pouvons vivre l’un sans l’autre.
— Au moins, tu vas venir nous aider à barrer le passage aux Habits-Rouges ?
Charles s’impatientait. Le choix que le notaire avait fait en prenant Paul pour lieutenant avait augmenté sa jalousie.
— Non, non, murmura-t-il sourdement entre ses dents, si j’avais voulu aider les patriotes, je me serais rendu chez le notaire cette nuit.