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les mystères de montréal

Entré dans son bureau privé il se laissa choir dans un fauteuil et balbutia en serrant les poings :

— Malédiction ! cent fois malédiction !… Ah cet Américain, que n’est-il mort au fond des mines de l’Orénoque ou du moins que n’y est-il resté avec les autres, lui qui tient entre ses mains, mon bonheur, ma vie.

Le membre du « London Club » se laissa aller la tête sur un des bras du fauteuil, comme s’il se fut évanoui. Il perdit son binocle, qui roula à terre, et n’eût pas même le force de le ramasser. Il continua presqu’à haute voix ses réflexions qui lui faisaient dresser les cheveux sur la tête :

— Cet homme… ce tramp n’a qu’à dire un mot et tout est fini… Il est dans la misère et la misère est mauvaise conseillère… Ah ! si l’on apprenait qui je suis… que ma tête a été mise à prix… Et pourtant on l’apprendra. Matson peut garder ce secret pendant un certain temps, mais toujours, c’est impossible.

Le traître d’autrefois cessa de balbutier durant quelques instants. Sa pâleur était celle d’un spectre qui sort du tombeau. Ses mains crispées, sa tête échevelée le faisaient ressembler à un maniaque.

— Je me croyais plus courageux que cela continua-t-il… Où est donc cette énergie qui fit de Charles Gagnon, l’obscure marchand d’autrefois, un capitaine redoutable ?… J’ai vu la mort bien des fois sur le Solitaire mais je n’ai jamais craint comme