un jour, avec celui qu’on dit un des plus habiles financiers de la ville.
— Oh ! mademoiselle, ce sont des flatteurs ceux qui disent cela !
— À ce compte les flatteurs sont nombreux à Montréal.
On se fit des compliments tour à tour, mais de Courval n’avait pas l’air d’un homme à l’aise dans ce qu’il disait. Il y avait dans ses manières, dans son parler quelque chose de curieux, d’exagéré.
— Monsieur, lui dit Jeanne, ce n’est pas le propre d’un financier d’être aussi complimenteur.
— En effet je ne suis pas né financier, répondit de Courval, et on ne m’aurait jamais vu à la bourse épiant comme un forcené la hausse ou la baisse, si j’avais été laissé à moi-même.
— Cette vie d’émotions ne vous va-t-elle pas ? demanda madame Braun.
— Bien peu, madame, aussi j’ai souvent pensé à liquider mes affaires. Mais voyez-vous on attend la fin d’une spéculation, pendant ce temps on en commence une autre, et comme cela, on finance toujours. On ambitionne de devenir plus riche et on abandonne seulement quand on est mort… ou ruiné…
— C’est un peu l’histoire de tous les hommes de nos jours. Ils passent leur vie à amasser des richesses et ils meurent sans en jouir.
— Si au moins ils en faisaient jouir les autres.